14 février • 04 avril 2015

Lionel Sabatté fabrique des espaces narratifs peuplés de créatures fantastiques réalisées à partir de matériaux prélevés de leurs contextes originels. Avec une approche de type protéiforme (peinture, sculpture et dessin), il produit une réflexion sur le temps qu’il matérialise à travers une pratique de l’hybridation : de matières, de formes et de références. […]

Ainsi, l’artiste récolte patiemment nos déchets. Dans les couloirs du métro parisien, il récupère les poussières des passants. À partir des moutons grisâtres, il sculpte une meute de loups en chasse. Chacun d’entre eux est marqué physiquement, du loup hurlant à la lune, campé sur ses quatre pattes, au loup épuisé, le corps écrasé contre le sol, Lionel Sabatté transcende la poussière. Un matériau que nous retrouvons dans ses peintures aux tonalités abyssales. Sur la toile s’arriment des agrégats poussiéreux qui se déposent au fil du temps. Au creux des paysages souterrains, il développe une réflexion sur l’essence même de la peinture. Fabriquée à partir de pétrole, elle contient le produit d’énergies fossiles auxquelles l’artiste souhaite rendre hommage. Il s’attache ainsi aux origines ancestrales du medium. Sur le papier, les cheveux s’entremêlent au trait du crayon pour engendrer à un ensemble de figures aux postures étranges, fantasmagoriques. Des figures androgynes surgissent de la matière. Nous les retrouvons également agrégés à des flaques de béton déversées sur des feuilles de papier. La matière brute devient alors un territoire que l’artiste explore par le dessin, la gravure et la brûlure. Il y incruste des visages et des corps emprunts d’un héritage surréaliste assumé. […]

De l’informe et l’impropre, Lionel Sabatté produit des œuvres aussi déroutantes que poétiques. Les matériaux, rudes et primitifs, servent ainsi une réflexion sur notre rapport au temps, au corps et à la perte. L’artiste porte un regard subtil et sensible sur l’histoire et la mémoire.
Julie Crenn, novembre 2013