Pour sa cinquième exposition personnelle à l’Espace à Vendre, Lagalla nous convie à l’Esperiença plata (The Flat Experience).

C’est une sole commune accrochée, par dessin, à la verticale, qui nous accueille. Cet animal, aux faces dissemblables, nageant sur le côté, dont la partie supérieure, pigmentée, est d’une nature mimant son environnement pour s’y confondre, apparaît comme le parfait ambassadeur de cette création artistique et de son rapport au réel. Comme vous l’avez certainement vu, entendu et remarqué, cette œuvre vient usiner, affleurer le réel pour en extraire le plus fin des copeaux. Rien à voir, à faire avec le minimalisme, si répandu, qui laisse supposer que par économie d’expression une pureté, un absolu est à portée d’œuvre. Non, ça, Lagalla, ça le fait sourire. C’est ce même sourire qu’il doit arborer lorsqu’il crée à l’ombre des pâquerettes, comme il aime si bien le dire.

Allez, suivons la sole, embarquons ! Ici vous êtes à bord d’un véhicule à moteur pour voyage aller-aller à longue distance ex. : Nice-Nice. Vous serez accompagnés de l’Éternel Départ gymnaste club et de l’olympique du Point de Non Retour. Tout au long de ce parcours vous croiserez l’artiste par le biais de l’autoportrait. Dans cette pratique, où le sujet se produit lui-même, où le propre, l’idiot, dans une création endogène, se figure, Lagalla régale.

Dans un premier temps, à la Héraclite, c’est un « lui » enfant au milieu du fleuve, le voyage dans le temps, c’est difficile, puis le revoilà avec stupeur se rappelant le moment où il compris qu’il était lui. Dans un trompe-l’œil permanent, et plus si affinités, nommé fuck-similé par l’artiste, à l’instar de la sole, il ne cesse par mimétisme de se confondre avec son environnement.

L’original est une copie comme les autres, quel plaisir de le constater devant la facétieuse reproduction picturale d’une planche de bois, sans titre (noeud-noeud), puis cédant au faux du faux, ça sera la peinture d’une table en Formica imitation bois qui permettra d’introduire, à nouveau, au sein de l’œuvre, l’outil burlesque pâtissier, tarte à la crème (en prévision de) / Creampie (In Advance Of). Attention ça glisse ! Revenons à la sole, commune, Solea Solea, ce terme, ici redoublé, qui, chez les Romains, désignait la sandale. C’est depuis cette infime épaisseur séparant l’être du sol, cette tranche entre ce qui aurait dû être et ce qui n’a pas été, que l’artiste, dans une heuristique continue, opère, et met à jour un monde réel créé par l’esprit qui envahit le monde des choses.

Ainsi crânement, depuis son atelier, l’artiste questionne tout ce qui l’entoure. Ici, il ne s’agit pas du coquet emploi de la mise en abîme, mais d’une interrogation sur la nature des choses et sa capacité à produire artistiquement du réel. Vue de l’atelier, face au podium #1, cela nous apparaît très clair. Par dessus tout cela, au milieu, entre, à l’intérieur, il y a la parole, pour ne pas dire le verbe, cet artiste et ces choses parlent, tchatchent plus exactement. Dans cette œuvre, les tranches de rôti, les lampes, les tables de ping-pong … dialoguent, se représentent et se demandent si c’est parce qu’elles sont ainsi qu’elles sont. Enfin, imaginons Lagalla dans la nature, posant son chevalet devant son sujet et peindre, avec une tendre application, une usine à gaz. Aller-aller, retirons-nous avec discrétion, laissons-le terminer, préparons-nous à vivre l’esperiença plata et nous allons bien voir ce que nous allons voir.