8 avril • 3 juin 2023

J’ai commencé la photographie à l’adolescence.
Mon père, Jean, photographe amateur éclairé, avait installé un laboratoire noir-et-blanc dans une petite pièce de notre maison, « le chambron ». Il m’avait donné son Canon AE-1 et c’est avec lui que j’ai appris les rudiments de la prise de vue, ainsi que le développement des films noir-et-blanc et le tirage argentique.

Puis j’ai découvert que mon arrière-grand-père maternel, Pierre, avait été lui aussi un photographe très actif.
Il m’est apparu clairement que mon arrière-grand-père comme mon père pratiquaient la photographie pour elle-même, avec leur imaginaire, au-delà de la réalisation d’une simple chronique familiale. Certes, Pierre a beaucoup photographié ma grand-mère Odette, sa fille unique, et mon père, Jean, a enregistré de nombreux moments familiaux ou entre amis.
Mais l’un et l’autre avaient leurs thèmes : la montagne, la forêt, les musées pour Pierre ; la montagne, les portraits de groupe et surtout, les gros plans de fleurs pour mon père.
C’est ainsi que je me suis retrouvée finalement à la jonction des lignées paternelle et maternelle, heureuse de m’inscrire dans une vraie tradition familiale.
L’exposition propose à la fois une fiction familiale, ayant réorganisé les images de Pierre et de Jean selon mon propre récit, et un hommage à la photographie. Elle étire la capacité matricielle de la photographie (une reproduction à l’infini) et combine les styles, de l’instantané à la fiction, avec le projet de roman-photo que je mène depuis quelques années, Le Monde des apories.

Les images de Pierre forment une sorte de cabinet de curiosités ; celles de Jean s’apparentent à une balade photographique, quand Le Monde des apories cherche à déployer un récit photographique.
L’exposition traverse les époques, joue avec les procédés photographiques (plaques en verre, diapositives 24×36 ou négatifs 4×5 in.) et multiplie les supports : tirages sur papier photographique ou sur papier adhésif, contre-collages ou encadrements, projection en direct sur le mur…
Elle raconte avant tout notre plaisir, à tous les trois, à vivre avec la photographie.

Caroline Bach, mars 2023

Visuel : Pierre Orlhac, non légendée, non datée, Circa 1923, plaque en verre numérisée.