Dans le cadre de la manifestation “L’Art contemporain et la Côte d’Azur Un territoire pour l’expérimentation – 1951-2011”

l’Espace A VENDRE présente :

LE GRAND ECART

Stéphane STEINER

Jérôme ROBBE

Invited by J. ROBBE : Pauline BRUN

Mon travail c’est apporter quelque chose aux oeuvres d’art qui m’ont ému, ainsi que de rap-porter du réel (vécu ou pas) des vues et des éléments. Je ne suis pas intéressé par les me-diums pour ce qu’ils sont, ni par les oeuvres en tant que résultats de pratiques autonomes du reste du monde; mais en tant qu’outils de communication, du dessin à l’audiovisuel via la sculpture, la conception de ceintures, sous-vêtements, invasions d’insectes, traces de gas-téropodes, articles funéraires, meubles, perruques, art culinaire, pipes-à-eau et godemichés compris.

Mon travail est un patchwork à tiroirs où le vieux côtoye le neuf et le futur dans un cocktail où les participants, réunis par le hasard comme une recrue militaire déguisée, au chef invi-sible, anticiperaient sur l’avenir avec des revenants, leurs discussions interrompues par des extraterrestres tentant de s’immiscer dans les débats sur l’architecture, le sexe, Descartes, la conquête de l’espace, les souvenirs personnels, Nietzsche, l’amour, sur ce que l’histoire a retenu de l’art, sur ce qu’il a retenu de son histoire, la mort, la mutation, l’immédiateté des échanges d’émotions dans la musique d’improvisation, sur les sadoo masoos, les derviches tourniqueurs et autres zèbrés technoîdes travelos transis; tout ce beau monde progressant dans un dédale de salles baignées du son d’un concert interminable de Frank Zappa fricassé grive et grimé en Capitaine Crochet, accompagné d’une tribu de musiciens tziganes en atten-dant le retour de Van Gogh et Hendrix qui sont encore partis avec les engins volants non identifiés des voyageurs attéris.

Mon oeuvre parle de cette résistance vaine contre l’invisible force imparable qui crée et anéantit tout, son double et l’autre, qu’est la vie.

Stéphane Steiner, 2000

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Ce qui est évident chez Jérôme Robbe, c’est qu’il a déjà du métier, tant il a retenu les leçons de l’histoire de l’art ( surtout celle de la peinture et de ses formes ). Néanmoins, il suffit de se pencher cinq minutes sur ses travaux pour comprendre que l’effet «peintre premier de la classe» n’est qu’une apparence trompeuse.
D’ailleurs, tout son travail n’est que leurre. En bon maniériste, il en joue en permanence. Mais un bon maniériste est celui qui sait épuiser son sujet sans s’épuiser.

Quelles que soient les séries qu’il met en place ( Compressions, Ecrans, Réformés P4, Ta-touages ou dernièrement Volumes ), toutes fonctionnent en effet sur le principe de l’artifice et de la déconstruction de l’image. Ce qui implique un ensemble de gestes ou de techniques destinés à tromper le regard de l’autre. Tout est bon pour cela : l’écrasement de la peinture par des plaques de plexiglas, l’utilisation de vrais-faux miroirs, l’usage tronqué de matériaux, les effets de la brillance, du mat ou du vernis, mais surtout la récurrence de signes fausse-ment indicatifs et d’anamorphoses qui laissent la mémoire entre deux eaux, pas vraiment certaine d’identifier ce qui lui fait face. Tout ce qui est visible semble flotter et ce n’est pas innocent. Les séries des Verres ou des Miroirs sont celles qui jouent le mieux le principe d’am-bivalence. On ne sait jamais où l’on se trouve : soit carrément dans la croûte de salon pour les Verres, soit dans le chic mondain pour les Miroirs. Mais quand on y regarde de plus près, les premières sont certainement celles qui font le plus appel à une vrai recherche picturale, tandis que les secondes laissent apparaître des tatouages presque aussi troubles que ceux qui les ont portés ( des criminels russes en signe de reconnaissance de gangs ), que ceux qui vont les suspendre sur leurs murs en guise d’objet décoratif. Le miroir fonctionne comme un support ambigu : il intègre le regardeur tout en réfléchissant un motif obscur sur la peau de ce dernier.

Enfin, Jérôme Robbe joue depuis peu avec l’espace, commençant à construire de véritables volumes comme ce grand miroir bleu à peine posé sur un chariot ( Greetings to the zone, 2008 ), dont la surface est entièrement brouillée par un motif étiré/évidé de son contenu ( un autre tatouage russe), ou ce Dirt Track, 2008, produit pour l’exposition «Turn the water into wine», dont le tracé apparent renvoie à une course de motos aux Etats-Unis. Une course sans freins et sur terre battue dans laquelle tout se termine par de spectaculaires dérapages plus ou moins contrôlés. Le lien est évident entre ce besoin de maîtrise et de perte, de vitesse et de glissement à la fois.
Au bout du compte, ses derniers travaux montrent l’étendue de ses capacités à occuper l’es-pace et à expérimenter toutes les formes et les techniques possibles sans pour autant renier ses principes initiaux du jeu et du leurre.

Eric Mangion

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To the Man Who Flew into Space from His Apartment

Le White Cube, aux dimensions sacralisantes, est créé comme un espace neutre permettant la mise à distance d’une réalité spatiale, temporelle, sociale ou politique. L’oeuvre est confinée dans les murs blancs et s’inscrit dans une intemporalité.

L’espace d’exposition, ce lieu de perception, est une surface sensible, une boîte à outils, un laboratoire. ,Il ya Kabakov construit, dans “The man Who Flew into space from his apartment”, sa ,chambre. Dans une situation de censure en Russie, il aspire et se projette vers un lieu imaginaire et infini.

Dans mon expérience de la vidéo et de la sculpture, le corps, en tant que mesure, est mis en rapport à l’espace et aux matériaux. Mes sculptures sont des constructions d’espaces ,blancs à échelle réduite. A l’image de l’atelier ou du White Cube, l’espace blanc est un champ de théâtralité, un lieu d’actions, le lieu d’un atterrissage.

Pauline Brun, 2011.